Armelle, toujours... Qui nous parle aujourd'hui de la réaction de leurs amis. Beaucoup d'amour à nouveau...
« La mort est un tabou. Du coup, les gens ne savent pas quoi dire ou quoi faire. Ils ont peur d’être maladroits. Je leur disais : "ça n'est pas grave, tu as appelé, c’est déjà beaucoup !" Les gens étaient mal à l’aise et on le comprend. En fait, il n’y a pas besoin de dire beaucoup de mots. Juste une marque d’attention, comme une carte ou une citation, pouvait nous faire déjà beaucoup de bien. Et puis dans notre couple, on communiquait beaucoup autour de Lénora. Vers notre entourage aussi. Et à un moment, on ne voulait plus inviter d’amis. Mais ça ne voulait pas dire qu’on ne voulait voir personne. Au contraire, ça nous faisait du bien d’être invités. Alors on leur a dit : "on n’a plus la force de vous inviter mais on veut bien aller chez vous". On portait la mort sur nous, mais les amis ont quand même compris que c’était important de ne pas nous laisser tomber et ils ont continué à nous inviter. On n’hésitait pas à parler de Lénora. Parfois on pleurait et ça n’était pas toujours facile pour les autres. Ils s’arrêtaient, en plein milieu de la conversation, en disant qu’ils étaient désolés. Mais nous, en fait, ça nous faisait du bien d’en parler, de partager des moments comme ça avec eux. Il n’y a jamais eu de pitié de leur part. Au contraire, souvent les gens nous disent qu’ils trouvent ça beau, la manière dont on parle de notre fille. Ils sont admiratifs, et moi j’en suis fière aussi ! Ils me disent souvent "il n’y a rien de plus terrible que la perte d’un enfant, comment as-tu réussi à être aussi forte ? Comment as-tu réussi à te reprendre en main ?..." En fait, bien sûr que tu peux te reprendre en main. La vie ne s’arrête pas là. On ne pouvait pas partir. Il y avait juste trop d’amour entre Freddy et moi. »
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Hier, je vous parlais d'Armelle. Aujourd'hui, j'ai envie de vous raconter la suite de son histoire...
« Lénora était notre première enfant. On en voulait d’autres. Grâce à une amie, dont la maman avait perdu un bébé à la naissance avant elle, on savait qu’il était important d’en parler pour ne pas faire de transfert sur les enfants suivants. Et puis on a cheminé notre thérapeute... jusqu’au jour où on s’est dit "on est prêt pour un deuxième". On a donc préparé l’arrivée d’un autre enfant. Et en 2013, je suis tombée enceinte. C’était une grande joie, une grande peur aussi... et puis une grande surprise car on attendait des jumeaux ! En moi-même, je me suis dit "la vie t’enlève des choses et puis elle t’en donne d’autres en double !"... Comme je contractais beaucoup, j’ai été arrêtée au bout de 3 semaines. Donc je vivais dans l’angoisse, mais je continuais d’être accompagnée par ma thérapeute, une femme extraordinaire. J'ai fais aussi un peu de sophrologie. Et à 6 mois ½, les enfants sont arrivés. On les a appelés Loévan et Manoa. Et aujourd’hui, je porte un bracelet avec les prénoms de mes trois enfants et celui de mon mari. Maintenant les enfants ont 3 ans ½ . On ne dit pas que leur sœur est "morte", car ça nous semble trop violent. On leur dit que le petit cœur de Lénora s’est arrêté. Lénora, elle, est enterrée dans un cimetière paysager, elle a une stelle. On y va régulièrement avec les enfants. On ne dit pas qu’on va au "cimetière", on leur dit qu’on va voir Lénora, leur sœur. Et à elle, on lui parle, on lui raconte notre vie, nos projets. On lui donne des nouvelles de chacun. On ne fait pas que juste passer déposer des fleurs, on prend du temps avec elle. Les enfants disent "Bonjour Lénora !". Ca, c’est énorme ! Au début, ils disaient parfois "Mais elle est où, Lénora ? Pourquoi elle n’est pas avec nous ?" Des questions d’enfants, qui prennent au cœur parfois, évidemment… Mais leurs questions évolueront avec le temps et on trouvera les bons mots pour eux… » Merci encore Armelle pour toute la douceur, l'amour et la beauté qui se dégagent de ton histoire... Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'Armelle...
« En 2011, je suis tombée enceinte. Tout se passait bien, c'était une très belle grossesse... jusqu’à 7 mois, où le cœur de Lénora s’est arrêté. On a fait une autopsie, et aujourd’hui encore, on ne sait toujours pas pourquoi son cœur s’est arrêté. L’annonce de la mort a été un moment horrible. Je me souviens des paroles blessantes d’un obstétricien qui nous a dit : "On ne vit pas dans un monde de bisounours". A Freddy (mon mari) qui est pompier, il a rajouté : "Oh, vous, vous avez l’habitude de ce genre de situations". Il avait rien compris. C’était notre enfant-là, ça n’avait rien à voir avec ce que mon mari vit dans son métier ! C’était tellement dur à entendre, d’autant que c’était les toutes premières paroles qui nous ont été dites… La période d’attente entre l’annonce de la mort et l’accouchement a été une période indescriptible. Il n’y a même pas de mots à mettre. On ne voulait voir personne, c’était trop difficile. Après l’accouchement, on nous a proposé de voir Lénora. J’avais beaucoup d’appréhension, mais la présence de Freddy m’a donné la force d’oser voir ma fille. Ça me semble, aujourd’hui, essentiel au travail de deuil, et je sais que ça nous a permis aussi d’être dans la même dynamique, Freddy et moi. C’est lui qui l’a portée. C’était dur quand on me l’a apportée, mais je me suis dit que ce serait le seul moment que j’allais avoir avec elle. Alors j’en ai profité. On a vu la beauté en elle. On l’a regardé sous toutes les coutures. Presque au point d’en oublier qu’elle était morte. On lui a fait des bisous, on a observé son petit corps qui était tout bien formé. Le découvrir nous a fait dépasser la mort… Je pensais que ça allait être dur, en fait j’ai passé un « bon » moment. Quand j’en parle, les gens ne comprennent pas forcément. Mais pourquoi ne pas la trouver belle finalement ? C’est ma fille. C’est la plus belle ! C’est d'ailleurs ce que disent tous les parents à la naissance de leur enfant, non ? Pour nous, le fait d’être confronté à cette réalité nous a permis de poser des actes. On se demandait si on allait se réveiller de ce cauchemar... Et la voir nous a permis d’entamer le processus de deuil. On l’a vue aussi dans son cercueil. Et puis on a des photos qu’il m’arrive aujourd’hui de regarder quand j’en ai envie. Car j’ai besoin de me ressourcer, de me rapprocher d’elle. On n’a pas toujours vécu les mêmes choses et au même rythme, dans notre couple. Mais il y en avait toujours un pour remonter l’autre. On s’est toujours tirés l’un l’autre vers le haut. Par exemple, c'est Freddy qui a appelé l’ensemble de la famille pour leur annoncer la nouvelle à chacun verbalement. Et puis il a appelé tous les amis aussi. Je trouve que c’était un immense acte de courage. Les gens ont apprécié aussi. Ca a évité qu’il y ait des rumeurs, les gens avaient tous entendu les mêmes mots de Freddy. Moi j’en étais incapable. Je trouve qu'il a été extrêmement courageux... De mon côté, je savais trouver les paroles qui lui redonnaient espoir, apparemment. D'autres fois, quand il allait moins bien et que je lui proposais d'aller voir notre thérapeute, ça l'aidait aussi à reprendre goût à la vie. On était vraiment là l'un pour l'autre... » Hier je vous parlais d'Alison, et aujourd'hui j'ai envie de revenir sur une partie de notre rencontre que je trouve particulièrement lumineuse.
Alison est maman de 3 enfants bien portants. Et puis quelques années après, une grossesse gémellaire arrive. Et finalement, ses deux fillettes décèdent à 6 mois ¾ de grossesse. Juste après ce double accouchement, Alison se retrouve aux soins intensifs à cause d'une infection. C’est un moment très difficile pour elle, après le décès de ses fillettes. D’autant qu’Alison a déjà été confrontée aux soins intensifs. Mais à l’époque, c’était pour accompagner ses parents en fin de vie, atteints d’un cancer. Et malgré la situation, Alison puise une force qui m’impressionne au point que j’ai envie de vous partager un bout de son histoire. « Pendant toutes les réflexions avant l’accouchement, je savais que la vie de nos filles était en péril mais jamais je n’avais pensé que la mienne pouvait l’être aussi. Et là, tout d’un coup, tout bascule. Et je réalise à quel point j’aurais pu perdre ce cadeau qui m’avait été fait d’être la mère de 3 enfants en bonne santé. Quand je me suis réveillée des soins intensifs, je me suis sentie soulagée d’avoir fait ce choix pour nos filles, car je savais que c’était le mieux pour elles, que j’allais m’en tirer et qu’au moins j’étais encore en vie. “Je suis encore là pour être la mère de mes trois enfants, de trois enfants bien portants. Oui certes, j’ai perdu mes fillettes, mais je suis encore mère“. Et cela a fortement changé ma perception de la vie et de la mort. Aujourd’hui, quand quelqu’un me dit qu’un proche est malade, je prends conscience de tout ce que l’on me dit, mais je ne suis plus accablée par la tristesse. J’accepte la mort car elle fait partie de la vie. Je l’accepte plus que jamais auparavant. Et aujourd’hui, je savoure encore plus la vie. Par exemple, quand je suis allée chercher ma fille après une semaine au ski avec sa classe, j’ai pleuré de joie. Tout ce qui est signe de vie, leurs dessins, etc. me touche profondément. Je suis beaucoup plus vite émue (par la vie) qu’avant. Alors que ce qui a trait à la mort ou la maladie, je sais très bien de quoi il s’agit, mais ça ne m’afflige pas de la même manière. J’ai acquis comme une force. Finalement, cheminer vers la mort, c’est se rendre compte de la valeur de la vie. C’est particulier à dire mais c’est comme un cadeau. A travers ces expériences, j’ai appris à mieux apprécier la fragilité de la vie que nous avons. » Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'Alison...
« Je suis maman de 3 enfants bien portants. Et puis en 2015, je suis enceinte de petites fillettes, deux jumelles identiques. Un peu bouleversée par le fait qu’il va falloir faire de la place pour 2 nouveaux enfants et en même temps très heureuse de ces nouvelles vies qui s’annoncent… Et puis vers 6 mois de grossesse, on m’annonce qu’une des deux fillettes n’est pas assez alimentée par le placenta. Elle a souffert de sous-oxygénation au cours de sa croissance. Comme ce sont des jumelles identiques, elles partagent le même sac placentaire et si l’une ne va pas bien, l’autre va rapidement avoir de gros soucis aussi. Donc on me propose une opération in-utéro, ce qui était encore possible à ce stade, pour sauver celle qui est encore bien portante. Je me sens très soutenue par le corps médical qui essaie de sauver la situation et me propose des solutions. Arrêter la vie de l’une pour sauver celle de l’autre. Et puis 15 jours après l’opération, à 6 mois ¾, je perds les eaux précocement. On me dit qu’il y a encore moyen de sauver la fillette qui a été opérée. Mias 9 jours plus tard, une infection se déclare, compte tenu de la poche des eaux rompue, et l’accouchement se déclenche. Début février 2016 j’accouche donc d’un enfant mort-né et d’une autre enfant qui vit encore. Son existence risque d’être fortement troublée. Au minimum 6 mois d’assistance respiratoire et cardiaque, de très très grands risques de handicap neurologique, etc. J’ai pu me préparer pendant ces quelques jours, entre la rupture des eaux et l’accouchement, j’ai eu une semaine pour réfléchir avec mon homme et les médecins à ce qui allait se passer pour la seconde. Et ce temps m’a beaucoup aidée. J’ai l’impression que si on reconnaît que le bébé va mourir, on peut œuvrer pour que ça se passe au mieux. Plutôt que d’être dans une angoisse ou un échec, j’ai pu mieux accepter ce qui est en train de se passer. A la naissance, nous les avons contemplées toutes les deux, pendant tout le temps que nous avons eu avec elles. Nous les avons aimées. Et puis nous avons laissé sciemment partir la seconde dans nos bras, en pensant que c’était le choix naturel qui lui serait le plus bénéfique à long terme, pour elle, même si c'était un choix extrêmement difficile. Dans les mois qui ont suivi, je me suis dit « et si… ? ». Et si, finalement, elle avait pu s’en sortir… Alors, oui, je peux tourner en rond comme ça pendant longtemps, avec ces questions. On ne le saura jamais. Par contre, ce qui est sûr, c’est que nous les avons accompagnées. Elles ont vraiment existé. Nous leur avons donné un prénom. Nous les avons déclarées à la Commune pour leur donner une identité et par respect pour elles. Pour les accueillir dans la famille, on a proposé aux 3 autres enfants, sans les forcer, de voir les fillettes. Et ils ont eu envie de les rencontrer, donc les 3 enfants ont vu leurs deux petites sœurs. J’ai un CD avec toutes leurs échographies aussi. J’attends encore un peu pour le regarder, mais je sais que je vais retrouver leurs visages, que je vais revoir comment elles se tenaient la main, etc. J’ai fait aussi un faire-part, car j’en avais fait un pour chacun de mes autres enfants. Je voulais en parler. Je ne voulais pas rester dans un silence. Ou nier ce qui s’est passé. J’ai fait des assiettes aussi, avec leurs prénoms dessus, comme nous avons pour les autres enfants. On voit leurs prénoms au quotidien. Leurs vies ont compté. Ma maternité envers elles a compté également. Ce n’est pas parce qu’elles sont décédées que leurs vies n’ont pas compté. Je les ai toujours choyées, toute leur vie. Les messages, les visites, etc. m’ont fait du bien. Les gens m’ont câlinées... Et je crois que cela a été possible parce que justement j’en ai parlé. Je ne le crie pas sur tous les toits, mais je reconnais ma réalité. Et en la reconnaissant, mon entourage la reconnaît aussi. Pour avoir de l’aide, il faut que je reconnaisse ce qui s’est passé. Si je m’étais tenue dans le secret ou le déni, je n’aurais pas reçu autant de beaux messages. » |
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