Faire le deuil de ses enfants morts,
pour que les suivants trouvent leur place
Rachel, Soeur notamment de Moïse
Pendant dix ans, mes parents ont essayé d’avoir des enfants. Les médecins avaient fini par déclarer ma mère stérile. Et puis un jour, elle grossissait, grossissait, et son médecin lui a annoncé "et bien madame, vous êtes enceinte !"
Quand elle s’est présentée à la maternité pour accoucher, on lui a dit "non, ce n’est pas le moment, rentez chez vous". Elle est rentrée chez elle et puis quelques jours plus tard, elle s’est représentée à l’hôpital. Le lendemain, son bébé était mort. Personne n’a pu expliquer pourquoi, ni les médecins, ni la famille. Je n’ai jamais su ce qui s’était passé…
Ma mère a donc perdu son premier enfant à la naissance. On ne l'a pas autorisée à le voir, ni à aller à l’enterrement... Ensuite elle a eu deux autres enfants, moi puis mon frère. Et après nous avoir élevés, elle s'est suicidée. Elle était âgée de 54 ans. J’en avais 25 et mon frère 24. Ce deuil avait laissé de profondes blessures non-cicatrisées chez ma mère, elle a eu besoin de s'en retourner auprès de ce premier fils qu’elle n’avait jamais pu rencontrer.
Quand elle s’est présentée à la maternité pour accoucher, on lui a dit "non, ce n’est pas le moment, rentez chez vous". Elle est rentrée chez elle et puis quelques jours plus tard, elle s’est représentée à l’hôpital. Le lendemain, son bébé était mort. Personne n’a pu expliquer pourquoi, ni les médecins, ni la famille. Je n’ai jamais su ce qui s’était passé…
Ma mère a donc perdu son premier enfant à la naissance. On ne l'a pas autorisée à le voir, ni à aller à l’enterrement... Ensuite elle a eu deux autres enfants, moi puis mon frère. Et après nous avoir élevés, elle s'est suicidée. Elle était âgée de 54 ans. J’en avais 25 et mon frère 24. Ce deuil avait laissé de profondes blessures non-cicatrisées chez ma mère, elle a eu besoin de s'en retourner auprès de ce premier fils qu’elle n’avait jamais pu rencontrer.
Ma mère n’a pas pu faire son deuil et ce fut un gros poids sur moi aussi. Et sur notre relation aussi. Petite, j’étais hyper sensible et j’avais déjà tout compris même si on n’en parlait pas. Je me suis longtemps sentie comme un enfant de réparation. Ma mère et moi n'avons jamais vraiment réussi à nous entendre ou à nous comprendre. Je n'ai jamais vraiment réussi à être proche d’elle. Du coup, j’ai juste envie de dire aux parents endeuillés : "Faites le deuil de vos enfants morts pour que les autres trouvent leur vraie place !"
Pendant très longtemps, je ne trouvais pas ma place dans ma famille, j’étais un peu bizarre, un peu extraterrestre. Et pour moi, tout a changé quand j’ai compris que j’étais la deuxième, et pas la première ! Professionnellement, j’étais dans la finance, à ce moment-là, au Conseil Régional. Le rôle parfait pour un premier, un rôle bien établi. Un rôle qui rassure bien ses parents… Mais je me sentais enfermée.
Aujourd’hui, j’évolue dans un monde beaucoup plus artistique, libéré, créatif. Un rôle moins lourd que celui de l’aîné… Je suis vraiment à ma place. J’ai pris ma place, en fait. Avant, je n’étais pas dans ma vie. J’étais coupée de mes ressentis. J’ai eu des phases de dépression, de boulimie, d’anorexie. J’ai eu de la sclérose en plaque, des hernies dis-cales aussi, dans le milieu du dos. Alors je suis allée voir un ostéopathe. Il ne connaissait rien de mon histoire et m’a dit que ces problèmes de dos s’étaient formés pendant la période intra-utérine. Il a rajouté de but en blanc : "Vous, il fallait que vous soyez un petit bébé !" C’était troublant que mon corps ait gardé cette information, alors qu’à l’époque personne ne m’avait dit que la cause du décès de mon frère était son trop gros poids. C’est seulement récemment que mon père m’a raconté… Apparemment, il n’y avait pas eu assez de médecins ce soir-là, c’était le 31 décembre. Le bébé n’arrivait pas à sortir, il était très gros. Du coup, sans assistance, il est mort.
Aujourd’hui, j’évolue dans un monde beaucoup plus artistique, libéré, créatif. Un rôle moins lourd que celui de l’aîné… Je suis vraiment à ma place. J’ai pris ma place, en fait. Avant, je n’étais pas dans ma vie. J’étais coupée de mes ressentis. J’ai eu des phases de dépression, de boulimie, d’anorexie. J’ai eu de la sclérose en plaque, des hernies dis-cales aussi, dans le milieu du dos. Alors je suis allée voir un ostéopathe. Il ne connaissait rien de mon histoire et m’a dit que ces problèmes de dos s’étaient formés pendant la période intra-utérine. Il a rajouté de but en blanc : "Vous, il fallait que vous soyez un petit bébé !" C’était troublant que mon corps ait gardé cette information, alors qu’à l’époque personne ne m’avait dit que la cause du décès de mon frère était son trop gros poids. C’est seulement récemment que mon père m’a raconté… Apparemment, il n’y avait pas eu assez de médecins ce soir-là, c’était le 31 décembre. Le bébé n’arrivait pas à sortir, il était très gros. Du coup, sans assistance, il est mort.
C’est seulement à 37 ans que j’ai eu, pour la première fois, des explications de la part de mon père. Avant ça, la seule chose qu’on m’avait dite, c’était "ce bébé était vivant dans le ventre de ta mère et il est sorti mort". Et moi, j’avais besoin d’en savoir plus !
Troublant aussi que Elouan, mon propre fils, soit né si léger à seulement 1,9kg (néonat, séparation, etc.)… Encore plus troublant, le fait que pendant ma première grossesse, j’ai moi-même perdu un garçon. C’était des jumeaux, seul le second Elouan a survécu. Comme si le passé se répétait : un premier garçon, ça décède ; et le deuxième sait qu’il doit être tout léger pour survivre… Quel impact sur ma propre vie, tous ces non-dits !
Heureusement, avec tout le travail que j’ai fait, je suis au cœur de ma vie maintenant. Je me suis réapproprié ma vraie place dans la famille et ça change tout ! Aujourd’hui j’en parle ouvertement. Dans mon métier aussi. Je suis de-venue kinésiologue, et quand je reçois une femme qui a vécu une fausse-couche ou un avortement, je lui dis qu’elle a le droit et l’espace pour en parler. Car ce n’est pas rien. Je l’invite à laisser sortir ce qui doit sortir. Le gros paquet qu’il y a à l’intérieur. Et juste je l’écoute. A l’entourage, je conseillerais d’avoir des oreilles. Pas forcément de parler, mais juste d’écouter.
Rachel, Sœur notamment de Moïse décédé à la naissance
Heureusement, avec tout le travail que j’ai fait, je suis au cœur de ma vie maintenant. Je me suis réapproprié ma vraie place dans la famille et ça change tout ! Aujourd’hui j’en parle ouvertement. Dans mon métier aussi. Je suis de-venue kinésiologue, et quand je reçois une femme qui a vécu une fausse-couche ou un avortement, je lui dis qu’elle a le droit et l’espace pour en parler. Car ce n’est pas rien. Je l’invite à laisser sortir ce qui doit sortir. Le gros paquet qu’il y a à l’intérieur. Et juste je l’écoute. A l’entourage, je conseillerais d’avoir des oreilles. Pas forcément de parler, mais juste d’écouter.
Rachel, Sœur notamment de Moïse décédé à la naissance